DOSSIERS

Violence et pornographie à la télévision

vendredi 22 septembre 2006

En 2002, la philosophe Blandine Kriegel fut chargée de réaliser un rapport pour comprendre et endiguer le phénomène. Elle s’est entourée de 36 personnalités - journalistes, universitaires, médecins, juristes - pour élaborer son rapport, présenté le 14 novembre 2002. La violence y est définie comme étant une "force déréglée qui porte atteinte à l’intégrité physique ou psychique pour mettre en cause dans un but de domination ou de destruction l’humanité de l’individu". La Commission établit un lien entre "la diffusion de spectacles violents sur le comportement des plus jeunes et/ou un ensemble de présomptions convergentes tendant à établir cet effet", celui-ci étant proportionnel au temps passé devant l’écran.

DROITS HUMAINS

LES chaînes de télévision se sont entendu sur des pictogrammes pour mettre en garde les parents contre les films violents ou à caractère pornographique. Ces pictogrammes vont du "déconseillé aux moins de 10 ans" au "déconseillé aux moins de 18 ans". Mais qui classifie les films ? Les responsables des chaînes eux-mêmes. Cela c’est pour la première analyse sur les dangers de la télévision.

Mais ce qui est le plus important, au-delà des images, ce sont les verbiages qui consistent à rabaisser telle ou telle catégorie d’humain. Il ne suffit pas de déconseiller tel ou tel spectacle, encore faudrait-il que sa programmation soit justifiée ! C’est pour cela qu’il est nécessaire de s’intéresser à l’alibi artistique caché derrière certaines scènes, surtout dans le langage qui graduellement réapparaît dans la rue ou dans les lieux où l’enseignement est dispensé.

L’alibi artistique

De nos jours avec les nouvelles séries Télé qui passent aux heures de grande écoute, il est extrêmement difficile de ne pas voir de scènes violentes ou de nus sans aucun alibi artistique. Qu’est ce que l’"Alibi artistique" ? C’est le fait d’inclure une scène pour crédibiliser l’histoire. Or, on voit de plus en plus de scènes sans alibi artistique. Combien d’actes d’amour physiques et de violences simulées, (même dans des films déconseillés au moins de 10 ans) nous sont montrés alors que le scénario ne nécessite pas de telles reconstitutions ? On pourrait disserter pendant des centaines de pages sur la nécessité d’images violentes ou dégradantes au cinéma comme à la télévision.

Mais revenons à la télévision : sans parler des chaînes cryptées ou parabolées, les programmes hertziens, qui sont ouverts au plus grand nombre, devraient avoir des règles déontologiques plus draconiennes. La première partie de soirée entre 18 heures et 22 heures devrait être consacrée à des programmes familiaux. Le journal télévisé, grand pourvoyeur d’images sanglantes, de faits-divers horribles n’est-il pas diffusé à un horaire trop proche de la fin d’après-midi ? Souvenons-nous de la guerre qu’avaient engagée deux chaînes concurrentes à La Réunion en avançant, pour gagner des parts d’audiences, leurs JT respectifs ! Tout vient de là, une surenchère pour des parts de marché. La télévision peut et doit être un formidable vecteur d’éducation, mais hélas ! C’est loin d’être le cas ! Chaque jour dans mon “Télédécryptage”, je tente de vous faire découvrir une autre télé, mais si je devais dénoncer tout ce qui est à jeter, votre journal n’y suffirait pas. Rien qu’en matière de publicité, on voit régulièrement le sort qui est dévolu aux femmes. La violence et le machisme de certaines séries dépassent souvent le tolérable.

Ne nous fions pas aux apparences, lorsque je dis qu’il faut repousser la violence le plus tard possible, je ne dis pas qu’elle doit pour autant être banalisée le reste du temps. Non, car ce sont souvent les personnes les plus fragiles psychologiquement qui regardent la télévision tard le soir. Le but de ce papier n’est pas de donner la solution, mais juste de dire que si la télévision a permis aux citoyens d’acquérir une grande culture générale et de nouvelles connaissances, elle est aussi un vecteur de violence qui pousse certains à passer à l’acte. Une chose est certaine c’est que le fait de tourner le bouton de son téléviseur n’est pas un acte anodin et ne doit pas être un réflexe mais un acte réfléchi et coordonné à un besoin de voir un programme spécifique à un moment donné.

Non coupable mais o-responsable

Car la télévision, mise bien souvent en accusation à juste raison, peut devenir une machine à tuer comme le prouvent les nombreux faits-divers. Il ne faut pas penser que la télé est responsable de tous les maux, mais elle participe effectivement au climat de violence qui sévit dans notre pays. Le sexisme qui y est développé outrageusement ne peut que consolider une attitude machiste chez les jeunes comme chez les adultes et je serais tenté de dire : "Dis moi ce que tu regardes à la télévision et je te dirai qui tu es !"

... 26 mars 2002, Richard Durn tuait 8 membres du Conseil municipal de Nanterre à l’issue de la séance à laquelle il venait d’assister. Il expliquera à la police avant de se suicider que pour comprendre son geste, il fallait regarder "Taxi Driver", film de Martin Scorsese dont le héros projette d’abattre un candidat à la présidence.

Deux adolescentes ont torturé une camarade de classe de 14 ans, la laissant pour morte après lui avoir sectionné les veines des poignets et lacéré le visage à l’aide de tessons de bouteille. Elles avoueront regarder de nombreux films d’horreur.

Le 4 juin 2002, un lycéen de 17 ans tue une camarade de 15 ans près de Nantes après avoir regardé deux semaines auparavant "Scream"...

Philippe Tesseron

Violence et pornographie à la télévision

Article paru dans Témoignages le vendredi 22 septembre 2006

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