DOSSIERS
A l'aide des gosses piégés sur le Net

TRAQUE Après l'affaire de l'adolescente embarquée par un adulte rencontré sur le Web. Spécialiste de la lutte contre les cyberpédophiles, l'inspecteur de la police cantonale vaudoise Arnold Poot évoque le type d'abus auxquels les mineurs sont de plus en plus exposés sur Internet

Comment prenez-vous connaissance des cas d'enfants ou d'adolescents contactés sur le Web par des adultes susceptibles d'être des pédophiles?

Dans un certain nombre de cas, ce sont des proches du mineur qui nous alertent.

Que vous disent-ils?

Par exemple: «Ma fille chatte et il y a un type bizarre qui la contacte. J'aimerais que ça cesse.» En général, ils n'en demandent pas plus. Nous les prions alors de nous donner l'identité de la fille, son pseudo et son mot de passe, puis nous prenons sa place. Quand l'inconnu se remet à chatter, ce n'est plus avec elle, mais avec nous qu'il est en ligne. On ne le provoque pas, on attend de voir ce qu'il demande. S'il souhaite une rencontre physique, on convient d'un rendez-vous et c'est sur nous qu'il tombe. Le cas s'est encore produit récemment.

Le type se faisait lui-même passer pour une mineure, comme dans le cas d'Aigle?

Non. L'adolescente et l'adulte utilisaient une webcam. Lui se présentait comme adulte et savait très bien qu'il avait affaire à une gamine de 13 ans. Maintenant, avec les webcams, c'est très difficile de se faire passer pour autre chose que ce qu'on est. Il est aussi arrivé que des parents nous appellent car leur fille de 10 ans était victime d'un homme qui s'exhibait devant sa caméra. Il voyait bien la fillette, il savait donc qu'il s'agissait d'une mineure, et elle le voyait en train de se masturber. On a pu intervenir et le confondre.

L'usage de la webcam est donc devenu si courant?

Oui. Vous pouvez ainsi vous retrouver face à des situations toutes nouvelles. Un Canadien, pour prendre un exemple dans la francophonie, réussit à entrer en relation avec un mineur romand. Le contact physique est impossible à cause de la distance, mais le Canadien pousse l'enfant, par caméra interposée, à se déshabiller et à commettre des actes d'ordre sexuel. Il en tire d'abord son plaisir de pédophile. Ensuite des images qui sont gardées en mémoire dans l'ordinateur et vont lui servir de supermonnaie d'échange pour entrer dans une communauté pédophile virtuelle. Ces communautés sont très friandes d'images toutes fraîches.

Et comment tombez-vous sur les cas d'abus quand ce ne sont pas des proches des victimes qui vous alertent?

Nous y arrivons par le biais d'enquêtes menées sur des suspects dont nous faisons «parler» l'ordinateur. Nous avons ainsi repéré un Vaudois qui fréquentait sur le Net des forums pédophiles où les gens se rencontrent de façon virtuelle. Des recherches techniques et l'audition de cet homme nous ont permis de constater qu'il avait eu des relations avec des mineurs. Il s'y est pris de façon «classique». Il repérait, sur des chats homosexuels, des mineurs manifestement mal dans leur peau et peu sûrs d'eux. Puis il leur proposait de les aider, le but étant d'obtenir un rendez-vous pour une relation sexuelle contre rémunération. Et il est parvenu à ses fins.

Ce qui est souvent le cas dans les affaires dont vous avez eu à vous occuper?

Heureusement non! La plupart du temps, nous pouvons intervenir avant qu'une rencontre ait lieu. En fait, même s'il y a eu relations et abus sexuels, nous n'avons eu jusqu'ici aucun cas où les choses sont allées jusqu'au viol. L'auteur prend toujours son temps, sur Internet puis lors des rendez-vous qui suivent, pour arriver à un rapport sexuel qu'il estime consenti. Il n'exerce pas de violences physiques pour y parvenir. Quant au jeune, il reste flou dans ses déclarations. Il dit qu'il ne sait plus très bien ce qu'il cherchait.

Ces affaires de mineurs «pêchés» sur Internet par des pédophiles sont-elles donc devenues courantes?

Dans le seul canton de Vaud, nous avons connu plusieurs cas au cours de ces dernières années. Mais nous ne les avons pas tous rendus publics car la loi suisse sur les mineurs privilégie d'abord et surtout la protection de l'enfant. Plutôt que sur les cas particuliers, nous préférons informer par le biais de campagnes.

Quel conseil donneriez-vous aux parents pour protéger leurs enfants?

Je leur dis: même si vous n'y connaissez rien, demandez-leur de vous expliquer ce qu'ils font sur Internet. Ils seront généralement tout fiers de le faire car, pour une fois, ce sont eux qui pourront en remontrer à leurs parents.

Mais s'ils chattent dans des circonstances troubles, ils vont bien se garder de le dire...

C'est clair. C'est pour cela que je recommande aux parents de ne jamais installer l'ordinateur de l'enfant dans sa chambre. A mon avis, cet appareil doit demeurer dans l'une des pièces communes de l'appartement - le salon, par exemple - là où la situation reste toujours sous contrôle.

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